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Marie-Hélène

Augustin d’Assignies – « Grapes , c’est un point de départ pour moi »


Rencontre avec le talentueux Augustin d’Assignies pour en savoir plus sur son parcours et sur son album « Grapes » qui sortira le 4 décembre.


Tu as commencé le piano à 7ans. Comment as-tu « rencontré » cet instrument et qu’est-ce qui t’as attiré vers le piano ?

J’ai deux grands frères, l’aîné qui a 9 ans de plus que moi jouait la bien connue « Lettre à Elise » de Beethoven. Quelque chose a dû me fasciner à ce moment-là, sans doute un mélange entre le fait de pouvoir produire de la musique avec ses mains, le charme de la composition en question et l’admiration classique du petit frère pour son aîné. J’ai alors demandé à jouer du piano. Ma première leçon était catastrophique et j’en suis sorti en pleurant ! Ma mère était désolée : elle m’avait vu tellement enthousiaste avant le cours, puis moins d’une heure plus tard en larmes. La raison est que la professeur était terriblement sévère et assez stupide : elle s’est mise en tête de m’apprendre le passage du pouce (une des grandes difficultés technique du piano), et frimait devant moi en me montrant qu’elle y arrivait et pas moi. Moi la seule chose que je souhaitais du haut de mes sept ans c’était « jouer la Lettre à Elise ». On ne s’est pas découragé pour autant, on a immédiatement changé de professeur. C’est une Polonaise du nom de Maria qui est venue la semaine suivante. Je lui ai dit « je voudrais jouer la Lettre à Elise », et elle m’a répondu : « eh bien, nous allons jouer la Lettre à Elise ». C’était parti.


Dès 18 ans, tu as suivi de nombreux cursus d’études musicales. Qu’est ce qui t’a donné envie de te plonger dedans, tandis que de nombreux jeunes ont tendance à ne pas s’y intéresser ?

J’ai toujours aimé comprendre comment les choses sont fabriquées. J’ai donc commencé bien avant 18 ans à composer de la musique, à en analyser le contenu, à relever des morceaux qui me plaisaient, etc. Je me souviens avoir passé au lycée pas mal d’heures de cours à écrire tout à fait autre chose que le cours en question, à calculer des suites de notes ou d’accords, à analyser des grilles de jazz, des choses comme ça. J’ai simplement continué à m’épanouir là-dedans après le bac, mais cette fois à plein temps et avec des professeurs chevronnés !


Parmi toutes ces études, est-ce qu’il y a un ou plusieurs sujets qui t’ont particulièrement intéressé et si oui pourquoi ?

Plusieurs, tous ! Il est très difficile de faire une hiérarchie. Je garde un souvenir particulier du cours « d’harmonie au clavier » d’Isabelle Duha au CNSM de Paris. Sans doute en partie car c’est une professeure au tempérament de feu, excessive et aussi géniale que généreuse.

Mais aussi parce que sa pédagogie est extrêmement efficace et robuste. Je veux dire qu’elle parvient à vous faire acquérir un savoir et que celui-ci est opérant, on peut immédiatement s’en servir et improviser avec ! J’ai constaté par exemple que j’avais nettement progressé en improvisant un blues après avoir étudié Schubert et Schumann avec Isabelle Duha.

J’aimais bien aussi voir la tête de mes camarades de classe – issus des classes de piano classique ou d’orgue exclusivement – effrayés par l’apparente sévérité de la professeure et par sa liberté de ton. Le côté scolaire venait des élèves et non de la professeure !


© Skopika

Quels sont les artistes que tu as écoutés enfant et ado, et ceux que tu écoutes le plus aujourd’hui ?

Enfant, j’étais un grand fan de Mozart. J’avais une cassette (que j’ai toujours) qui racontait toute les grandes étapes de sa vie, entrecoupées des extraits musicaux correspondants, avec la voix de Gérard Philippe. Je l’écoutais tous les jours, avec mon petit poste Fisherprice ! Je me faisais également de grands récits épiques sur la « Symphonie du nouveau monde » de Dvořák. J’ai ainsi traversé l’Atlantique plus d’une fois dans mon salon, manquant de périr noyé, voyant la terre au loin pour finir par arriver en héros de l’autre côté de l’océan – en l’occurrence le tapis du salon. Ma composition « L’enfant héroïque » raconte un peu cet héroïsme grandiose de l’enfant, qui passe volontiers des tourments d’un aventurier du 16e siècle en proie à la faim et à la mort au câlin douillet d’une maman.

Mais j’écoutais en même temps Les Forbans… et ça ne me posait absolument aucun problème ! Mozart et Les Forbans ! J’ai ensuite écouté les Guns and Roses, quasiment en boucle pendant 2 ans et demi -j’étais un vrai fan, avec des posters partout dans ma chambre – puis vers 12 ans j’ai totalement ouvert mes oreilles à toutes sortes de musique, notamment au jazz, dont je commençais à jouer en groupe. Mais le groupe qui m’a le plus transporté durant mon adolescence est sans conteste le jam band américain Phish. J’ai vécu mes plus grandes émotions sur leur musique, recherchée, existentielle et parfaitement cosmique. Je pense d’ailleurs reprendre certaines de leurs chansons dans mon prochain disque.


Aujourd’hui j’écoute beaucoup un trio australien que j’adore, The Necks. Ils créent une musique immersive, au temps long, au son extraordinaire. C’est une grande inspiration pour moi. La musique du trio Moonsüün, dont je fais partie, est d’ailleurs très influencée par ces derniers (https://soundcloud.com/user-997433113/sets/moonsueuen-1st-album)


Quand et comment as-tu commencé à gagner ta vie grâce à la musique ?

Ce qui est intéressant quand on est musicien, c’est que l’on peut commencer à gagner très tôt sa vie. À 18 ans, là où mes amis devaient faire un job d’été pour payer leurs vacances, j’avais de mon côté tout au long de l’année des répétitions et concerts payés avec un ensemble vocal à Versailles, des concerts dans des petits clubs parisiens, un arrangement à faire pour big band pour une soirée d’entreprise, et des soirées privées où je faisais le piano bar. Tout cela mit bout à bout, je n’avais pas besoin de job d’été ! Ensuite, j’ai commencé à composer pour le théâtre ou la publicité, tout en accompagnant des artistes sur scène, ce qui m’a permis de gagner ma vie. En France, le statut d’intermittent est un atout précieux pour maintenir une stabilité financière – quand on arrive à le garder !


Tu as fait des tournées en accompagnant d’autres artistes. Est-ce que tu as un souvenir particulier d’un de ses concerts ?

J’ai de très beaux souvenirs sur scène avec Lilly Wood and the Prick, par exemple au Pont du Gard, en plein air devant un décor sublime et un public merveilleux. C’était un de ces moments magiques où tout s’enchaîne et se complète parfaitement : la lumière extérieure et celle des projecteurs, l’énergie du groupe et celle du public… Ce sont des sensations puissantes.


Est-ce qu’il y a une de tes collaborations qui a particulièrement compté pour toi et si oui laquelle et pourquoi ?

Je pense que la collaboration qui continue de compter particulièrement pour moi est celle que j’ai depuis près de 20 ans avec mes amis Louis de Mieulle (bassiste) et Antoine Fournier (batteur), rencontrés sur les bancs de l’American School à Paris. C’est très précieux de se connaître sur la durée, et de continuer à découvrir ensemble des sensations musicales nouvelles tout en gardant un sens profond de l’amitié. C’est avec ces deux amis qu’on forme le trio Moonsüün.


Tu sors ton premier album de piano solo « Grapes » le 4 décembre. Comment le définirais-tu ?

Cet album est un peu un portrait de moi, des beautés qui me touchent, des plaisirs physiques que j’aime, des refuges sonores qui m’apaisent. La plupart de mes compositions naissent d’improvisations. J’essaie de conserver cette spontanéité au maximum, même lorsqu’il y a eu un travail de composition important par la suite. « Grapes », c’est un point de départ pour moi, un premier jalon. J’ai de nombreuses autres compositions qui attendent, des interprétations ou arrangements en devenir.


Est-ce que tu as prévu des concerts en 2021 pour le présenter en live ?

J’attends des confirmations de dates parisiennes, notamment au 104 et peut-être à Jazz à la Villette. Mais je suis encore inconnu des programmateurs et du public, donc tout va se jouer dans les semaines à venir, suite à la sortie de ce premier album. Avec la Covid, il n’est pas très facile de trouver un tourneur en ce moment… je croise les doigts ! J’espère de tout cœur pouvoir me produire en concert au maximum.


Qu’est-ce que c’est la scène pour toi ? C’est quelque chose d’important ?

Oui, très important. J’aime la scène même si je l’appréhende, comme beaucoup. C’est un lieu de vie privilégié pour les émotions véhiculées par la musique. C’est aussi un lieu incertain, source potentielle d’inventions inattendues ! Je rêve de concerts à la suite desquels je proposerai une dégustation de mes vins pour rencontrer le public et discuter autour d’un verre – une autre forme de partage.


Quels sont tes projets pour les prochains mois ?

Acheter une maison avec ma chérie, tailler mes vignes et finaliser les étiquettes de mes vins pour vendre au printemps mes premières cuvées ! Concernant la musique, je vais continuer à développer mon projet en solo et à élaborer les albums à venir. J’ai tant de musiques en moi à libérer ! Je participerai également en tant que compositeur à un projet de danse, un art qui me passionne totalement, intitulé « Moov ». Enfin, au printemps les répétitions devraient reprendre avec le groupe Lilly Wood and the Prick, dans lequel j’assure les claviers.

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